Personnalités de la semaine

La campagne pour la libération de Homa Hoodfar

Le 6 juin 2016, l’anthropologue canado-iranienne Homa Hoodfar, professeure émérite à l’Université Concordia, était injustement emprisonnée par les autorités iraniennes. Grâce à un mouvement de solidarité internationale lancé par son entourage, elle était libérée le 26 septembre, près de quatre mois plus tard. Nous soulignons la victoire de ceux qui ont participé à cette campagne pour libérer Mme Hoodfar en les nommant personnalités de la semaine.

Comme anthropologue sociale, Homa Hoodfar s’est notamment intéressée, dans ses recherches, au rôle des femmes dans la vie publique des pays musulmans, ainsi qu’au port du voile. Elle séjournait en Iran pour visiter sa famille et effectuer des recherches lorsqu’elle a été arrêtée. L’intérêt qu’elle porte aux conditions de vie des femmes musulmanes semble avoir contrarié le gouvernement iranien, qui l’a arrêtée, incarcérée et mise en isolement à la prison d’Evin, à Téhéran. Ses proches craignaient de plus en plus pour sa santé, puisqu’elle souffre d’une maladie neurologique, la myasthénie grave, et a subi un AVC l’an dernier.

Des centaines de personnes ont contribué à la faire libérer en multipliant les initiatives afin que son histoire demeure présente dans les médias et que le public soit alerté, en particulier dans le cadre de la campagne #freehoma. Elles ont ainsi maintenu la pression sur le gouvernement canadien pour que des efforts diplomatiques soient entrepris en vue de sa libération.

Parmi cette coalition ad hoc, on pouvait compter l’avocate Amanda Ghahremani, nièce de Homa Hoodfar, sa famille, ses collègues de l’Association des professeurs de l’Université Concordia, ses amis, ses anciens étudiants, mais aussi de parfaits inconnus de partout dans le monde ainsi que des organismes comme Amnistie internationale Canada.

Au départ, le noyau montréalais de la campagne, formé des proches de Homa Hoodfar, a notamment mis sur pied le site et la page Facebook #freehoma, écrit des lettres aux journaux, organisé des manifestations et sollicité le soutien d’autres organisations. Une pétition pour réclamer sa libération a récolté 50 000 signatures. Ces efforts ont été multipliés et portés par tous ceux qui se sentaient touchés par son histoire jusque sur la scène internationale. La Presse a rencontré Amanda Ghahremani ainsi que quatre collègues et amis de Homa Hoodfar (notre photo), et contacté par téléphone une de ses anciennes étudiantes.

« Même s’ils ne la connaissaient pas personnellement, beaucoup ont relevé le défi de se battre pour sa liberté et contre cette injustice. »

— Kimberley Manning, directrice de l’Institut Simone de Beauvoir et collègue de Homa Hoodfar

« Il est très important de reconnaître que les efforts diplomatiques du gouvernement canadien ont porté leurs fruits, dit Amanda Ghahremani, nièce de Homa Hoodfar et directrice de l’Institut Philippe Kirsch. C’était un bon exemple du fait que le dialogue entre pays est important et ne devrait jamais être tenu pour acquis. En même temps, il faut réaliser qu’énormément de gens, à différents niveaux, ont contribué à sa libération. »

UN GRAND RAYONNEMENT INTELLECTUEL

Un point fait l’unanimité au sein du petit groupe de personnes rencontrées par La Presse : le rayonnement intellectuel du travail de Homa Hoodfar, le respect qui lui est voué dans le monde universitaire et sa personnalité généreuse ont joué un rôle important dans la vaste mobilisation mise en branle pour la libérer.

« Ses travaux comme anthropologue sont pertinents et importants, dit Amanda Ghahremani. Elle est connue dans le monde. Parmi les gens qui ont participé à la campagne, plusieurs ne la connaissaient pas, mais connaissaient son travail, ses écrits. »

« Je n’ai rencontré Homa qu’à quelques reprises – c’est elle qui m’a accueillie à Concordia –, mais en tant que féministe qui s’intéresse, comme elle, à la question du voile, j’utilise certains de ses écrits dans mes cours, ajoute Geneviève Rail, professeure à l’Institut Simone de Beauvoir. À cause de cela, je me suis sentie très interpellée par ce qui lui est arrivé. Quand j’ai appris qu’elle était en prison, je me suis dit : non, pas elle ! Elle est trop gentille pour qu’une chose pareille lui arrive. » 

« Le type de personne qu’elle est, sa bonté, sa générosité ont fait en sorte qu’on avait envie de l’aider. Elle a touché des milliers d’étudiants et des dizaines aux cycles supérieurs, qui enseignent, aujourd’hui, partout dans le monde. »

— Geneviève Rail, professeure à l'Institut Simone de Beauvoir

L’une de ses anciennes étudiantes, l’Américaine Mona Tajali, s’est exilée à Montréal pendant sept ans pour pouvoir faire son doctorat sous la supervision de Homa Hoodfar. Elle est aujourd’hui professeure à l’Agnes Scott College, à Atlanta, et elle a participé activement à la campagne.

« Je peux dire que je dois tout ce que j’ai à Homa, dit-elle. Elle a joué un rôle-clé dans ma vie. Elle a fait plus que superviser mon doctorat. Elle est devenue mon mentor, ma source d’inspiration et presque ma deuxième mère. Quand j’ai appris ce qui lui était arrivé, j’étais atterrée. Avec plusieurs de ses anciens étudiants, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour qu’elle ne soit pas oubliée par les médias. Cela démontre à quel point, pour nous, elle a été une professeure importante et inspirante. »

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